Les mille cafés

23.03.2021 - Écrit par Maëlle Tardivel, illustré par Paul Sirand

Ouvrir un café dans un bourg de campagne ? Ils sont de moins en moins à s'y risquer. Trop fatiguant, pas assez rentable. Le long des nationales, la tendance est plutôt aux rideaux de fer baissés et aux pancartes « à vendre ». C'est pourtant le défi que Pauline compte relever, grâce à une initiative sociale et solidaire inédite. 

 
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Rouvrir La Calmagne : le défi de Pauline

Là, sur l’étagère près de l’entrée, il y aura les bocaux avec les produits locaux. Des escargots de Bourgogne ou des lentilles, par exemple, comme on en produit beaucoup en Côte-d’Or, avec de jolies étiquettes écrites à la main. Ensuite, le comptoir face à la baie vitrée, on le fera en bois. Il va falloir l’agrandir si l’on veut que chacun puisse s’y accouder, de 7 à 77 ans. Ce mur-là sera blanc cassé et celui-ci bleu canard, ça ira bien avec des petites chaises jaunes, non ? Et sur la terrasse, on installera de grandes tables, pour prendre son café à côté de l'ancien puits fleuri. Si le soleil est toujours aussi généreux qu’aujourd’hui, il y a tout intérêt à commander les parasols rapidement. Pauline réfléchit, remet en place une mèche de son carré châtain. La jeune femme a le sens du détail quand c’est pour éclairer la vie des autres. Elle aime décorer la place du village à Noël ou créer des animations pour la crèche. Elle ne cesse de combattre sa timidité pour s’investir à fond à Baigneux-les-Juifs, son hameau adoptif. Plus jeune, paralysée par les regards extérieurs, elle s'interdisait de sortir et de rencontrer des gens. Désormais, elle veut ouvrir un lieu pour que tous les habitants se retrouvent, échangent et se sentent bien. Bon, bien sûr, pour l'instant, il faut imaginer. Pour l'instant, les murs chocolat suintent le goût d’une autre époque, les tomettes se décollent quand on marche dessus et le papier peint est fardé de poussière.

C'est comme un instantané de bar vieillot, abandonné dans son jus. Pauline a beau avoir passé ces dernières semaines à tout nettoyer avec l’aide des voisins, il reste des frites collées à l’ancienne gazinière. Un leg des anciens propriétaires de La Calmagne, visiblement pressés de plier bagage. Pauline passe d’une pièce à l’autre et projette ses mille envies sur les murs nus. Derrière les lunettes, ses yeux clairs, assortis à sa blouse et à son masque, voient les choses en grand. Le restaurant-bar La Calmagne tire son nom d’un petit ru qui coule dans le coin ; maintenant ça va être son café, enfin. Et peut-être aussi une épicerie, un “relais poussette”, un espace de coworking, un relais colis et un point-presse. La jeune femme a déjà eu mille métiers et la charge de travail ne lui fait pas peur. Ça ne sera jamais aussi chronophage que lorsqu'elle cumulait emploi à la cantine et animation périscolaire, ou aussi pénible que le nettoyage industriel au centre atomique. 

Avoir son lieu à elle, ouvert sur les autres, Pauline y réfléchit depuis longtemps. Elle aurait aimé reprendre le café de son ancien village au lieu de le laisser mourir quand les proprios ont mis la clef sous la porte. Elle avait même déjà pensé gérer La Calmagne avec son mari, quand c'était encore un restaurant classique. Mais chaque fois, faute de formation, faute de moyens, elle fut obligée de renoncer. Cependant cette fois-ci, c’est la bonne. Pour elle, la réouverture de La Calmagne, c'est l'aboutissement du projet sur lequel elle travaille d'arrache-pied depuis plusieurs mois : celui d’un café multiservice, co-construit avec les habitants et porté par une initiative inédite, celle des 1000 cafés. Pauline ne prend pas la peine de fermer la porte à clef et presse le pas jusqu'à la salle des fêtes. Le stress commence à poindre dans ses intonations. Rien n'est prêt pour la réunion de ce soir. Elle y a pourtant convié tout le village pour présenter son projet et en valider les contours.

Aujourd'hui, elle va savoir si elle a convaincu les habitants de Baigneux
d’embarquer avec elle dans la conception de ce café d’un
nouveau genre.

Baigneux-les-Juifs niche sur le plateau de Langres, entre la vallée où méandre la Seine et la plaine célèbre pour la bataille d'Alésia. C’est tout petit, quelques rues à peine, mais les grandes bâtisses en pierre de Bourgogne témoignent d’une belle importance passée. Un petit village qui fut un grand bourg : ça, c’est Michèle Bargeot qui le dit, avec son regard amusé et son sens du récit. Elle a l’habitude de présenter Baigneux, elle en a été la maire pendant six ans. Elle fut élue en 2014, quand le village a perdu le statut de chef-lieu de canton en rejoignant les 107 villages de l'intercommunalité la plus étendue de France métropolitaine, celle du Pays Châtillonnais. L’exode rural frappe fort et depuis longtemps dans ce coin très agricole. Pour autant, Baigneux n’a rien d’un village mort, même sous la chaleur de cet après-midi de septembre. La tour au toit d’ardoise de l’ancienne maison des baillis rivalise avec celle de l'église Sainte-Madeleine. On se sent bien parmi ces maisonnées fermières rénovées, aux embrasures de bois et aux murs fleuris de roses trémières. La place est encore animée par les derniers stands du marché qui a lieu tous les vendredis, et la chaleur accentue l’odeur du goudron fraîchement répandu. L'œil averti décèle rapidement les signes d’un dynamisme surprenant pour un village de 240 habitants : la tête de bœuf clignotante qui orne la boucherie, la plaque indiquant la présence précieuse d’un médecin, le sigle devenu rare de la poste, et même une supérette. C'est pour cela que Pauline et son mari se sont installés ici, à la naissance de leur premier enfant : pour disposer des services du quotidien sans devoir aller constamment à la ville. 

 

Baigneux-les-juifs en lutte contre la désertification rurale

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Quand Michèle, l’ancienne maire, était plus jeune, avant que ses cheveux ne prennent leur teinte argentée, il y avait une enseigne jaune qui brillait plus que les autres : celle du café du village. Un bistro qui distribuait aussi de l’essence. Et puis le patron a bu le fond, comme on dit, et personne n'a pris la suite. Aujourd’hui, à Baigneux, il n’y a plus d’endroit pour se retrouver après le travail, pendant la pause dej’, à la sortie des cours du centre de formation de la Maison familiale rurale (MFR), quand on est de passage, ou pour occuper sa retraite. Quant au resto-bar de La Calmagne, ça fait deux ans qu’il n'a pas levé le rideau, et plus de six qu'il est dans la tourmente. Aujourd’hui, si on veut un expresso ou un « ptit jaune », un casse-croûte ou un diabolo pour la petite, il faut faire quinze bornes jusqu’à Venarey-les-Laumes.

Baigneux fait partie des 26 000 communes rurales qui n’ont plus de café, soit près de 80% d’entre elles. Et encore, plus de la moitié n’ont plus aucun commerce.

Un problème qui s’amplifie avec la disparition des licences IV pour débit de boisson. Alors que 200 000 ont été créées dans les années 60, aujourd’hui, il n’en reste que
40 000, et elles sont loin de se concentrer dans les campagnes. Les rideaux de fer rouillés sous les enseignes défraîchies que l’on croise en filant sur les départementales sont devenus le symbole de la désertification rurale à l'œuvre partout en France, et de la mort des bourgs.

Pour Michèle aussi, la réouverture de La Calmagne, c'est un sacré défi. Elle a passé les six ans de son mandat à se battre pour garder les commerces ouverts. C’est d’abord la supérette qui a fermé, tenue par la même famille depuis trois générations. Et la supérette, c’était aussi la boulangerie. La boucherie a suivi. Michèle a ensuite passé l'écharpe tricolore à Didier Robin, jeune agriculteur, qui vous le confirmera : les commerces, c’est un effet domino. Si on n’y fait pas attention, on se réveille un matin dans un village-dortoir, une coquille sans vie que l’on quitte tôt le matin pour aller travailler à Dijon ou à Montbard. À chaque fermeture, on a fait comme d’habitude, on a cherché un couple du cru pour reprendre l'affaire. Mais la formule classique ne marche plus. Les volontaires ne se bousculent pas au portillon et ceux qui s'y essaient tiennent deux, trois ans avant de fermer leur caisse vide et de jeter l'éponge de fatigue. Michèle vous le soufflera de sa voix éraillée, l’air un peu triste en enlevant ses lunettes rayées de noir et de blanc, c’est pas facile de tenir un commerce en campagne. C’est dur, surtout en hiver. Il ne faut pas craindre les horaires extensifs pour tenter de faire son chiffre le soir et le week-end, garder le sourire et le sens du commerce malgré de longs après-midis déserts. Et surtout, il faut que ça marche avec les gens du coin, qu'ils aient confiance en vous et vos horaires, sinon un coup de voiture jusqu'au super U, c’est aussi simple. Le Proxi a trouvé repreneur grâce à une coopérative agricole locale et un jeune duo de bouchers fait de nouveau clignoter la tête de bœuf. De tous les commerces, c’est bien La Calmagne qui a donné le plus de fil à retordre. Après une première liquidation, Michèle tenta le tout pour le tout et passa une annonce sur leboncoin. Bingo, ce fut un fiasco : le couple choisi se déchira et chercha à dilapider l’affaire. Ça a semé la zizanie dans le village et a fini en queue de poisson au tribunal. Tout ça pour un petit noir au comptoir. C’est simple, un café dans le village, elle n’y croyait plus. 


Réinventer le café du bourg

 
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« Non, pas à l’étage les colis, Mondial Relay, ils te diront oui, mais toi au bout de trois allers-retours dans l’escalier, t’en auras marre. La borne électrique, elle est au village ? Tu pourrais tenir le registre de ceux qui l'empruntent ! On pourrait dire “espace de travail partagé” plutôt que “coworking”, pour que ça parle plus, non ? T’auras besoin de deux lignes sécurisées différentes, alors. Pour le relais poussette, il faut vérifier les normes pour enfants, tu y as pensé ? » Aux côtés de Pauline, Aubin vrombit de conseils et d’idées. Aubin, cheveux ras, boucle d’oreille et très longs cils, travaille pour 1000 cafés. 1000 cafés, c’est une idée du Groupe SOS, un mastodonte de l'économie sociale et solidaire en France, et de son président, le très politique Jean-Marc Borello. Le constat est simple : le café du village, c’est le symbole du lieu où il fait bon vivre. S'accouder au comptoir de zinc, c'est lutter contre le délitement du lien social et la disparition des lieux de rencontre qui en ont poussé certains à investir des ronds-points. Le groupe a donc décidé de rouvrir des cafés dans les bourgs de moins de 3 500 habitants sans débit de boisson. Pour en garantir la pérennité et leur assurer une place de choix dans le tissu social du village, il passe par une démarche de multiservice et de co-construction avec les habitants. Borello n’a pas eu de mal à avoir l’oreille de la ministre de la cohésion territoriale afin d'inscrire sa démarche à l’agenda pour la ruralité et obtenir les subventions correspondantes. 

Lorsque Michèle reçut leur appel à candidature, dès septembre 2019, il lui parut écrit pour elle et décida d'y embringuer Pauline. Pour une fois que les deux comparses cochaient toutes les cases ! Pour La Calmagne, c'était l'opération de la dernière chance. Baigneux fut parmi les premiers villages à candidater au dispositif. Plus de 500 autres répondront à l'appel entre septembre et décembre 2019. Le bureau de 1000 cafés fut submergé. Leur candidature restant lettre morte, Pauline désespérait : si ça ne marchait pas maintenant, ça ne marcherait jamais. Michèle, coriace derrière son air jovial, ne lâcha pas l’affaire. Elle monta à Paris au Salon des maires pour défendre son village auprès du Groupe SOS. Téléphone, mails, questionnaires distribués aux habitants pour montrer leur motivation... Michèle et Pauline ont tout mis en œuvre pour convaincre la jeune équipe de 1000 cafés du dynamisme rayonnant de Baigneux. En juillet, lorsque 1000 cafés publia la carte des vingt nouveaux villages sélectionnés, ce fut officiel : Baigneux-les-Juifs devint la première commune à participer à ce dispositif en Côte-d’Or, et parmi les plus petites d'entre elles. 

Il n’y a pas que le Groupe SOS qu’il a fallu convaincre. Au sein du conseil municipal, les débats furent vifs. C’est que l’idée de s’adosser à un grand groupe n’a rien d’évident et que les affres de la précédente liquidation en ont refroidi plus d’un. Michèle égrena ses arguments pour rallier les frileux. Pour elle, c’était l’occasion de mener un projet local avec la force de frappe d'un groupe national. Jamais le petit village rural de Baigneux ne pourrait négocier seul avec Mondial Relay pour obtenir un point colis, avec la MAIF pour des conférences sur le développement durable ou avec la SACEM pour des concerts d'artistes locaux. Aubin, Jean-Marc Borello et leurs 1000 cafés, si. Michèle clama sa confiance en Pauline pour faire de La Calmagne un lieu de rencontre, le projet de tout un village. C'est important de partir du terrain pour imaginer quelque chose qui convienne à tout le monde. Ça change des politiques nationales verticales qu'on a du mal à voir descendre jusqu'ici. Didier, le maire, finit par leur accorder le bénéfice du doute. Victoire ! Pour Pauline, l’aventure pouvait enfin commencer. Tout restait à construire, avec les bagnosien•ne•s. Pour ça, elle s’est armée du « Kit de co-construction » rédigé par Aubin, et s’est présentée aux portes de tout le village pour récolter avis, envies et coups de main. À chaque palier, au moment d’appuyer sur la sonnette, son ventre se renouait. Mais porte après porte, Pauline sentit l’engouement se créer, la curiosité s'éveiller. La rencontre ? Elle était déjà là. La réunion de ce soir est la dernière étape pour présenter la nouvelle Calmagne et s’assurer du soutien des habitant•e•s avant son ouverture.

Le projet de tout un village

 
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La salle des fêtes de Baigneux commence à se remplir. Dedans, ça sent le neuf. Au fond de la pièce, Pauline et Aubin découpent des papiers jaunes et rouges. Aubin, concentré, lui parle des avancements des autres cafés, dont Pauline a rencontré les gérants lors d'une formation de quatre jours. Une ambiance colonie de vacances qui l'a enchantée. Michèle, à l’entrée, distribue du gel hydroalcoolique et appelle les nouveaux venus par leur prénom. Didier qui passe avec des chaises pliantes sous les bras, la taquine sur son retard. Michèle, elle a jamais eu le sens des horaires, et ça ne s'arrange pas avec l'âge, en plus, elle doit devenir dure de la feuille. Mi-méfiant, mi-goguenard, il tique à la lecture du bail, prêt à être signé sur une table en formica. On signe avec Pauline, pas avec le groupe ? Il y a donc encore un risque de liquidation ? Michèle hausse les épaules, cette fois ça l'arrange de surjouer la surdité. Dans la salle, on est loin d’être au club du troisième âge. On aperçoit quelques têtes fraîchement grisonnantes, des plus jeunes, et les deux enfants de Pauline qui courent entre les chaises écartées d’un mètre. « Mais enfin, arrêtez de me demander comment va ma retraite, je ne suis pas à la retraite ! » « C’est depuis quand que c’est fermé, déjà ? » Ah ça, un café qui rouvre, c’est bien, ça fait de l’animation. La quarantaine de personnes présente discute par petits groupes. Michèle est ravie, Pauline triture les ficelles de son masque. Dans la grande salle flambant neuve, on dirait une réunion politique, afin de présenter les nouvelles directives de campagne. 


C’est Didier, trop grand pour sa chaise pliante, qui démarre la présentation.
Il insiste : c’est vraiment dur de rouvrir un commerce, ça fait plaisir de voir du monde présent et mobilisé pour soutenir un projet comme ça.
Il passe vite la parole à Michèle,
qui présente la démarche.

Elle sait parler, marque des pauses au bon moment pour attiser l’attention. Puis la silhouette svelte d’Aubin s’avance, assurée. Il a l’habitude de ce genre de réunions et répond sans ciller aux questions que soulève la présence du Groupe SOS. Oui, c’est un grand groupe, mais non, l’objectif n’est pas la rentabilité, il n’y a pas d’actionnaires. Le groupe est en soutien de Pauline, ce n’est pas une franchise. L’équipe a visité 200 villages et a bon espoir d’ouvrir vingt cafés d’ici à la fin de l’année. La salle bruisse, demande des exemples. Pauline, enfin, sous le regard bienveillant de Michèle, explique qu’il lui reste quelques questions. Elle attend des réactions aux propositions d’horaires, et des suggestions sur le menu du déjeuner. Les papiers rouges et jaunes circulent pour que chacun propose des plats et des gammes de prix. Puis la discussion s’ouvre, le ton est d'abord plutôt circonspect. Si les horaires changent, comment le sait-on ? Est-ce qu’on aura le temps de prendre un café avant le passage du premier bus ? Est-ce que ça va entrer en conflit avec les produits vendus au Proxi, parce qu’il ne faudrait pas que les commerces se fassent concurrence. Aubin, fluide comme une algue, modère, aiguille, explique les contraintes. Après tout, c’est lui qui a écrit la fiche « réunion de concertation », il connaît la marche à suivre comme une partition. 

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Petit à petit, l'enthousiasme de Pauline se transmet à la salle. On veut trouver de l'huile de colza, du fromage et manger du bœuf bourguignon. Des synergies émergent. La présidente de la MFR propose qu’un de ses élèves puisse faire un stage auprès de Pauline. L'homme qui prend la parole maintenant vient d'un village voisin : il aimerait savoir si son association pourrait, une fois par mois, faire la programmation. Il n'y a pas de lieu comme ça chez lui. Pauline pétille : elle veut des soirées à thème, des paniers légumes. Elle veut retrouver l'esprit du café de la place, un café qui a un vrai rôle à jouer dans la vie du village, qui porte un maximum de services, en accord avec les autres commerces. Elle veut répondre favorablement à chacune des demandes. Elle veut pousser les murs et se faire pousser des bras supplémentaires. Didier, qui a le verbe rare mais qui vise juste, rappelle tout le monde à l’ordre : pour l'instant Pauline ne peut pas se démultiplier, ça peut prendre six mois, un an pour que ça fonctionne, il va falloir que chacun joue le jeu et fasse preuve de souplesse. Qu'on fasse café commun. 

Le partage se poursuit autour du traditionnel pot de l'amitié, arrosé au crémant de Bourgogne sous les platanes du parking de la salle des fêtes, juste en face de la future terrasse de La Calmagne. Aubin n'a pas le temps d'en profiter, il doit attraper le dernier TER direction Paris. C'est pas grave, il reviendra avec des copains quand le café aura ouvert. Il saute dans la voiture de Michèle qui file entre les monts bourguignons, effrayant biches et renards. Elle longe les étendues de tournesols brûlés et les champs en moisson. Les hirondelles s'affolent auprès des silos. La Côte-d’Or porte bien son nom : les tracteurs s’affairent et soulèvent de grands nuages de poudre de blé dans le ciel bleu monochrome. Soleil en plein pare-brise, Michèle évoque son passé d'ingénieur dans la gestion agricole, les aller-retours incessants et fatigants vers Paris ou Dijon. Elle est heureuse de pouvoir profiter du cadre et de la tranquillité de son village. Ce qui l'apaise, c'est aussi de constater le regain d'intérêt des plus jeunes pour la ruralité, leur attachement à leur territoire et la mise en place de nouveaux modes d'exploitation agricole. Elle rigole doucement, fronçant le nez : avec tous ces jeunes qui arrivent, bientôt nous, les anciens, on ne connaîtra plus personne ! 



Louis Vendel & Manor Askenazi

C’est Silain Pèle.

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